samedi 3 décembre 2016

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation
du livre


Lundi 5 décembre 2016
16h-18h
Le livre et la Réforme: retour sur un séminaire
et projet d'exposition  (2)

par 
Monsieur Frédéric Barbier,
directeur d'études

Théodore de Bèze dédie ses Poemata à Melchior Wolmar
Parmi les institutions ayant facilité le transfert de la foi luthérienne des pays allemands vers la France, l’université d’Orléans occupe une place majeure. De fait, depuis le début du XIVe siècle (bulles de 1306 et de 1309), Orléans s’impose comme la principale université d'Europe, avec Bologne, où l’on enseigne le droit romain. Or, la possibilité, pour les jeunes gens, de faire une carrière profitable dans les administrations ou dans la justice (y compris au sein de l’Église) est de plus en plus soumise à la condition d’avoir reçu une formation dans ce domaine.
Du coup, les étudiants affluent, dont une proportion importante d’étrangers venus surtout de l’Europe du nord. La «Nation» de France est bien évidemment la plus importante, qui réunit tous ceux qui sont originaires du bassin parisien et des régions voisines, mais la «Nation germanique» s’impose comme la plus prestigieuse, de par la richesse et la qualité de ses membres. Regroupant les étudiants venus des pays allemands et de l’Europe médiane, mais aussi de la Suisse et des «anciens Pays-Bas», elle compte 940 membres pour la première moitié du XVIe siècle (et culminera à quelque 6200 pour la première moitié du XVIIe siècle). On sait qu’elle possède une bibliothèque exceptionnelle, mais elle entretient aussi un messager régulier avec les pays allemands, avec lesquels on échange correspondances, paquets (dont des livres) et nouvelles récentes. 
Bien entendu, le renouveau des études juridiques, au début du XVIe siècle, s’appuie aussi sur l’essor de l’humanisme, avec le recours à la tradition antique et aux textes originaux
Rien de surprenant si certains enseignants d’Orléans sont, eux aussi, originaires d’Allemagne. Nous avons déjà évoqué sur ce blog la figure de Melchior Rufus Wolmar (Volmar, Volckmar). Il est né en 1497 à Rottweil (Wurtemberg), mais a été élevé à Berne, où il fréquente l’école latine anciennement créée par Heinrich Heynlin de Lapide (Jean de La Pierre). Étudiant à Tübingen (1514), il y rencontre probablement Mélanchthon, avant de venir à Fribourg, puis à Paris en 1520. Dans la capitale du royaume, Wolmar, élève de Nicolas Bérauld (lui-même né à Orléans vers 1470), se forme au grec, puis il passe sa licence (1522) et commence à enseigner. Parmi les autres élèves de Bérauld, il a peut-être entrevu la silhouette d’un tout jeune homme, né à Orléans en 1509 et venu poursuivre sa formation en 1521 à Paris, à savoir Étienne Dolet.
Proche de Lefèvre d’Étaples, Wolmar travaille alors peut-être pour Gilles de Gourmont, lequel donne en 1523, son premier titre, un commentaire sur les deux premiers livres de l’Iliade. En 1527, le voici à Orléans, où il tient une école bientôt réputée. Deux ans plus tard, Wolmar est appelé par la duchesse de Berry, Marguerite d’Angoulême, pour enseigner le grec à Bourges. À Orléans comme à Bourges, sa maison devient un lieu de rencontre pour les étudiants allemands et suisses… dont le jeune Conrad Gessner en 1534. Mais, cette même année, l’Affaire des Placards pousse le royaume dans une tragique phase de répression de la Réforme naissante, et Wolmar part brutalement pour la Suisse, puis pour l’Allemagne (Eisenach et Tübingen). 

Bien entendu, le renouveau des études juridiques, au début du XVIe siècle, s’appuie aussi sur l’essor de l’humanisme, avec le recours à la tradition antique et aux textes originaux.
Parmi les étudiants venus à Orléans poursuivre des études susceptibles de leur assurer une carrière profitable, certains s’imposeront comme des grandes figures de l’humanisme et de la Réforme. Guillaume Budé (1467-1540) est un ancien d’Orléans, et Érasme se réfugie lui aussi à Orléans, en 1500, pour échapper à une épidémie de peste: il n’aura pas un jugement très favorable sur les enseignements, mais il descend, en ville, chez son compatriote Jacques Voecht, alias Tutor, originaire de Louvain, docteur en droit, et qui fera plus tard une carrière de magistrat à Anvers.
Pierre de l’Estoile compte parmi les maîtres les plus célèbres de la Faculté de droit. C’est notamment pour suivre son enseignement qu’un jeune Picard s’inscrit à l’Université en 1528: Jean Calvin (1509-1564), ancien des collèges de la Marche et de Montaigu à Paris, est destiné par son père à une carrière dans l’administration. Il a déjà rencontré Wolmar à Paris, il le retrouve à Orléans et il le suivra un temps à Bourges. Calvin est reçu docteur en droit à Orléans en 1533. Parmi ses amis, nous retrouvons le jeune Théodore de Bèze (1519-1605), pensionnaire et élève de Wolmar, qu’il suivra lui aussi à Bourges… Licencié en droit à Orléans en 1539, Théodore de Bèze se réfugie à son tour en Suisse à compter de 1548: il remerciera son maître en lui dédiant ses Poemata (Paris, Conrad Bade, pour Robert Estienne, 1548), et il lui adressera surtout la belle lettre liminaire figurant en tête de sa Confessio christianae fidei ([Genève], Jean Bonnefoy, 1560)… 

 
Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage).
 

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

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