dimanche 28 février 2016

Au fond du golfe de Finlande

La fondation de Saint-Pétersbourg par Pierre le Grand en 1703 marque la volonté d’ouverture de la Russie sur l’Occident, mais introduit aussi aux débuts du processus qui fera bientôt de l’empire des tsars l’une des grandes puissances européennes. La guerre du Nord, conduite contre la Suède, se déroule jusqu’aux traités de 1720-1721, qui confirment l’accès de la Russie à la mer Baltique. Progressivement, au cours du XVIIIe siècle, la nouvelle capitale se développe, face à la forteresse de Pierre et Paul et autour de la résidence impériale, le Palais d'hiver. Progressivement aussi, l’occidentalisation s’accentue: la campagne autour de Saint-Pétersbourg est parsemée de résidences d’été, de Peterhof entrepris par Pierre le Grand à Tsarskoïé-Sélo, le palais de Catherine II. 
À Pavlovsk, c’est le futur empereur Paul Ier (Paul Pétrovitch, 1754-1801), le fils de Catherine la Grande, qui est la figure principale. L’impératrice décide en effet d’offrir une résidence à son fils en 1776, à l’occasion de son mariage avec Sophie Dorothée de Wurtemberg, la future impératrice Maria Feodorvna (1759-1828). Les maisons de Paullust et de Marienthal sont d’abord aménagées, qui laisseront place après quelques années à un superbe palais baroque et néo-classique.
À Pavlovsk, le palais principal est constitué par un bâtiment carré encadré de deux ailes en arc de cercle, sur le modèle d’une villa palladienne: la cour prend la forme d'un fer à cheval. L'ensemble a très gravement souffert à la suite d’un incendie en 1803, mais il a surtout été pratiquement détruit pendant l’occupation allemande du siège de Léningrad, occupation à la suite de laquelle les collections aussi se sont trouvées en grande partie détruites ou dispersées. Les travaux de reconstruction et de restauration, récemment achevés, ont abouti à un résultat réellement spectaculaire.
Comme tous les palais impériaux, Pavlovsk possédait bien évidemment une bibliothèque, mais celle-ci se révèle être particulièrement intéressante. La salle, conçue par Paolo Rossi, est achevée en 1824, mais la collection a d’abord été constituée par l’impératrice Catherine, pour servir à l’éducation de l’héritier du trône. Le mobilier de bois clair, très élégant, a été en partie conçu par Brenna: il combine plusieurs tables de travail, des étagères basses avec vitrines le long des croisées, et de grands corps de bibliothèque adossés aux murs. Six tapisseries françaises reprennent les motifs des Fables de La Fontaine – on sait que le tsarévitch et sa femme ont visité notamment la France, en 1782, sous le pseudonyme de comte et comtesse du Nord, et que ce voyage a été l’occasion de nombreuses acquisitions et cadeaux de la part de Louis XVI et de Marie-Antoinette, le tout expédié par la suite en Russie. Le bureau du prince est surmonté d’une maquette de temple antique, tandis qu’un grand portrait de la tsarine trône à proximité.
Il reste difficile pour le visiteur qui ne lit pas le russe, de se faire une idée de l’histoire de la bibliothèque, dont un noyau est constitué par la petite bibliothèque de voyage donnée par l’impératrice à son fils. La collection comptait quelque 21 000 volumes dans les années 1828, dont une partie semble être demeurée sur place: des livres destinés à l’éducation du prince, parmi lesquels on remarque notamment un tome de l’Encyclopédie, ou, plus surprenant, un exemplaire des Deutsche Schriften de Luther (Meißen, 1659). La collection de Pavlosk a fait l’objet d’un catalogue imprimé, mais, dès avant la catastrophe de la Seconde Guerre mondiale, un certain nombre d’ouvrages en ont été distraits et mis sur le marché par le Gouvernement russe. On les retrouve, aujourd'hui, dans d'autres collections, ou encore sur le marché d'antiquariat. Ainsi des Discours merveilleux de la vie, actions et déportemens de Catherine de Médicis, imprimés en 1649, se présentent sous une très élégante reliure de maroquin vert. Une étiquette contrecollée précise la cote du volume. D’autres volumes proviennent de la bibliothèque de l’impératrice, parmi lesquels le classique de Coxe, Nouvelles Découvertes des Russes, entre l’Asie et l’Amérique (Paris, Hôtel de Thou, 1781)...

Notre savant collègue et ami Monsieur Vladimir Somov, conservateur à la Bibliothèque du Conservatoire national de Saint-Pétersbourg, nous communique les précision suivantes, dont nous le remercions grandement:
"L'histoire des bibliothèques impériales est assez compliquée. Beaucoup des livres sont dispersés dans les diverses résidences impériales. Le plus grand nombre des éditons étrangères se trouvent actuellement à la Bibliothèque nationale de Russie.
La destinée de la bibliothèque de Paul Ier est la même.
On trouve ses livres à Pavlovsk, à Gatchina, à Tzarskoe Sélo, à L'Ermitage, et à la Bibliothèque Nationale de Russie.
La bibliothèque de Rossi comporte actuellement surtout des livres appartenant à Marie Féodorovna. Des centaines d'éditions de la bibliothèque de cette impératrice se trouvent également à la Bibliothèque Nationale de Russie.
Donc, à mon avis, il ne faut pas exagérer l'importance de la collection placée dans la bibliothèque de Rossi pour l'histoire de la bibliothèque de Paul Ier."

The State culture preserve Pavlovsk. Full catalogue of the collections, St-Petersburg. Vol. VI, 1: Rare books: 15th - 18th century picture books, St. Petersburg, 2010.

vendredi 19 février 2016

Le portrait du héros

Les travaux d’histoire du livre portant sur la période de la Réforme luthérienne soulignent à juste titre l’importance du phénomène des Flugschriften, entendons, les pièces et autres feuilles volantes qui submergent réellement la production imprimée des pays germanophones surtout dans les années 1517-1525. Articulée à un contenu spécifique, la forme matérielle joue ici un rôle central: il s’agit de petites pièces, susceptibles d’être produites et reproduites rapidement, en nombre, et pour un coût bien inférieur à celui du livre traditionnel. Un second élément d’innovation intervient aussi, en l’espèce du recours quasi-systématique à l’image, en l’occurrence la gravure sur bois ou sur cuivre.
Beaucoup de nos petites plaquettes sont en effet illustrées au titre, tandis que, parmi les motifs choisis par les artistes, le portrait des grandes figures du mouvement réformé s’impose largement.
Une première représentation de Luther est publiée en tête du sermon prononcé le 29 juin 1519 au Pleißenburg de Leipzig, mais il ne s’agit encore que d’une figure pratiquement anonyme, identifiable seulement par la mention au titre et par la représentation de la rose héraldique en bas de l’image. Nous restons sur le modèle de l’image traditionnelle d’un auteur que l’on ne saurait réellement reconnaître par sa silhouette, encore moins par sa physionomie. 
Mais l’année 1520 marque un tournant décisif dans le développement de la Réforme, avec la publication de ce qu’il est convenu d’appeler les «grands traités réformateurs» de Luther. Dans le même temps, le groupe des artistes réunis à Wittenberg autour de Lukas Cranach l’Ancien innove , en se lançant dans la production –et la reproduction de plus en plus massive– de portraits désormais individualisés du Réformateur.
Le premier est le célèbre Luther en moine Augustin, de 1520 (cliché 1), réalisés sur cuivre en deux versions successives, dont la seconde sera largement reprise par de nombreux ateliers pour l’illustration de plaquettes et de livres.
Peu après, voici un autre portrait, datant de la diète de 1521: préparé par Cranach à Wittenberg avant le départ de Luther pour Worms, il adopte une représentation de profil, et sera repris par un certain nombre artistes. Chez Hans Baldung Grien, la conception de Cranach se trouve quelque peu infléchie, avec l’assimilation de Luther à une figure de saint: la Bible ouverte devant lui, il est enveloppé d’une gloire de lumière, tandis que la colombe du Saint Esprit descend pour l’inspirer.
La figure du Réformateur est désormais suffisamment identifiée pour pouvoir être reprise, sous une forme ou sous une autre, dans les illustrations de titre d’un nombre croissant d’imprimés –y compris s’agissant de publications opposées à la Réforme. Encore une année (1522), et Cranach donnera le célébrissime portrait du «chevalier Georges» (Junker Jörg) dans lequel, pour la première fois, Luther est représenté sans son habit monacal ni sa tonsure, mais avec barbe, moustache et abondante chevelure.
Avec la rupture de 1521, les mois passés au «désert» de la Wartburg et la traduction du Nouveau Testament allemand, c’est un homme nouveau qui est né au siècle. Luther renoncera définitivement à l’habit des Augustins en 1524, dernière année où Cranach le représente en moine, mais sans plus de tonsure.
Bien sûr, il existait des portraits peints –on pense au portrait de Sébastien Brant aujourd’hui conservé à Karlsruhe. Mais l’irruption de la reproduction mécanique donne à la figure de l’auteur une publicité incomparablement plus grande. Cette véritable propagande par l’image témoigne du changement qui marque le statut de l’auteur, deux générations après la révolution gutenbergienne. Pour la première fois peut-être, sa physionomie devient pratiquement connue de tous. La publicistique déploie, bien sûr, d’autres motifs que le seul portrait de Luther: on pense notamment aux grands thèmes de son enseignement, la Grâce, la Rédemption, le sacerdoce universel (illustré à travers l’immédiateté de la prière). On pense aussi aux figures de ses proches, ceux ce que l’on pourrait appeler «l’État major de Wittenberg», à commencer par un Mélanchton lui aussi tout à fait reconnaissable dans ses portraits, et que l’on retrouve parfois sur certaines reliures contemporaine –mais on connaît aussi des reliures à l'effigie de Johann Sturm, et d'un certain nombre d'autres.
C’est à ce niveau que la propagande la Réforme prend une dimension politique, en intégrant les portraits du prince électeur de Saxe, parfois avec sa famille ou avec ses conseillers. Sans oublier, bien évidemment, la multitude des images touchant à la caricature. Sur tous les plans, l’utilisation de l’image imprimée s’impose, dans la décennie 1520, comme un élément majeur non seulement des entreprises de propagande, mais aussi du processus même d’innovation qui marque l’économie du média imprimé à l’aube de l’époque moderne. Nous voici effectivement entrés dans l’ère des images –voire dans l'ère des icônes.

dimanche 14 février 2016

Revue électronique d'histoire du livre

Fondée en 2009, Mémoires du livre / Studies in Book Culture se place aujourd’hui parmi les premiers diffuseurs de la recherche de pointe en histoire du livre, à l’échelle internationale. Outre des articles liés à la thématique précise du numéro, la revue accueille dans ses «Varia» des textes adoptant le livre et ses médiateurs comme thèmes centraux. Les approches pour appréhender ces objets peuvent  provenir de disciplines variées (histoire, études littéraires, bibliothéconomie, humanités numériques, sociologie, etc.). La perspective peut être historique ou contemporaine. Mémoires du livre – Studies in Book Culture s'intéresse au livre sous toutes ses formes, dans toutes les cultures.
Le comité éditorial de Mémoires du livre / Studies in Book Culture est toujours à la recherche de textes originaux répondant aux exigences d'une revue de recherche de haut niveau, à rayonnement international. Les articles, d’une longueur de 15 à 25 pages, peuvent être soumis par voie électronique à l’adresse suivante:
mdl-sbc@usherbrooke.ca

Mémoires du livre / Studies in Book Culture occupe un créneau qui s’articule autour de cinq impératifs: offrir une publication électronique, en libre accès et donc gratuite, formant le pont entre les réseaux francophones et anglophones et établissant un dialogue entre chercheurs de la nouvelle génération et spécialistes aguerris, tout en assurant une veille dans la discipline de l’histoire du livre par la diffusion, sur le plan du contenu, de thématiques de pointe.
Définie comme l’étude du système-livre, l’histoire du livre, qui constitue le thème central de la revue, s’intéresse à plusieurs objets: les agents et les institutions, les matérialités et les contenus, les pratiques et les usages. Lancée par L. Febvre et H.-J. Martin (1958) et théorisée par R. Darnton (1992), l’histoire du livre s’applique à contextualiser et à rendre compte de l’ensemble du système-livre, de sa production à sa réception, dans une perspective diachronique.
Le livre devient dès lors un objet multiple qui a tout intérêt à être abordé sous plusieurs angles. Résolument interdisciplinaire, l’histoire du livre fait appel à des expertises variées qui permettent de positionner l’écrit dans les sociétés, d’analyser ses fonctions et d’en mesurer le pouvoir. Darnton situait d’ailleurs l’histoire du livre «au point stratégique où les autres disciplines (…) convergent sur des problèmes communs». La perspective historique n'exclut pas ici les recherches portant sur des phénomènes contemporains, envisagés sous l'angle de la sociologie, de la bibliothéconomie, de la statistique et de l'analyse des professions. Mémoires du livre / Studies in Book Culture privilégie plutôt l'interdisciplinarité et le décloisonnement des objets.
Publiée deux fois l'an, Mémoires du livre – Studies in Book Culture est dirigée par Marie-Pier Luneau, laquelle est assistée à la direction par Marc André Fortin et Josée Vincent. Tous trois sont professeurs à l'Université de Sherbrooke. Soumis à l'approbation des membres du comité scientifique, les textes retenus par la revue répondent aux exigences d'une revue de recherche de haut niveau, à rayonnement international. Les articles en texte intégral sont publiés gratuitement, en français ou en anglais; la revue ne diffuse pas de version papier.
Informations complémentaires sur le site Erudit.

samedi 13 février 2016

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre


Lundi 15 février 2016

16h-18h
Luther et la nouvelle économie du livre (2)
par
Monsieur Frédéric Barbier,
directeur d'études

Assassinat de Hans v. Hutten par le duc de Wurtemberg (dans Deploratio, Mainz, 1519)
 
Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage, salle 114). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux.
 
Accès les plus proches (250 m à pied)
Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare.
Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64.


Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

dimanche 7 février 2016

La "ville de résidence" dans l'économie du livre et de la culture

Une petite ville, de quelque 2000 habitants, en Allemagne médiane, s’impose dans la décennie 1520 comme le principal centre de production imprimée de l’Empire, et elle est célèbre dans toute l’Europe pour son université: Wittenberg. Comment un phénomène aussi paradoxal a-t-il été rendu possible?
Nous sommes, en France, habitués de longue date à l’omniprésence d’une structure politique très centralisée. Pratiquement, les derniers grands fiefs plus ou moins indépendants de la couronne disparaissent dans le dernier quart du XVe et au début du XVIe siècle, qu’il s’agisse de la Bourgogne, de la Bretagne, ou encore du duché de Bourbon. Les acquisitions postérieures se feront principalement par conquête. Passons le Rhin, et nous voici dans une tout autre logique géo-historique, celle d’un espace singulièrement dispersé, dont la plus grande partie est certes soumise à la suzeraineté, de plus en plus théorique, de l’empereur, mais qui s’organise de fait autour de principautés territoriales, de «villes libres» pratiquement autonomes et de très vastes territoires ecclésiastiques (évêchés, etc.) souvent assimilés à des principautés.
Dans ce système, le rôle de la «ville de résidence» (Residenzstadt) apparaît comme essentiel dans le domaine de l’histoire de l’écrit et du livre –en France, cette logique a fonctionné, mais de manière très temporaire, dans des villes comme Bourges (duché de Berry), Angers (comté d’Anjou) ou encore Nantes (duché de Bretagne). À la base, la «résidence» est celle du prince et de sa cour: leur présence signifie la réunion d’un certain nombre de grands personnages, susceptibles de commanditer auteurs, artisans (copistes, enlumineurs et autres) et artistes.Au sein de la cour, les premiers développements d’une administration rationalisée supposent aussi de disposer d’un personnel de clercs plus ou moins spécialisés. Bientôt, une université «territoriale» pourvoira à leur formation. Le plus souvent, on disposera aussi d'une bibliothèque plus ou moins riche.
Dans le principe, la dignité impériale relève du modèle de la monarchie élective et, depuis la Bulle d’or de 1356, le nombre des électeurs a été fixé à sept, qui sont donc les  principaux personnages de l'Empire après le souverain –les trois archevêques occidentaux, Mayence, Trêves et Cologne, auxquels s’ajoutent quatre princes séculiers, le comte palatin (Heidelberg), le roi de Bohème (Prague), le margrave de Brandebourg et le duc de Saxe. Pour autant, un très grand nombre d’autres structures coexistent, qu’il s’agisse des villes libres, des princes et autres seigneurs locaux, ou encore des archevêchés, évêchés et abbayes, voire des chevaliers détenteurs de fiefs.
Une bourgade des bords de l'Elbe: Wittenberg au milieu du XVIe siècle (détail)
À Wittenberg, nous sommes devant un exemple idéaltypique de la catégorie de la «ville de résidence». Un petit peuplement apparaît peut-être au Xe siècle sur ce passage de l’Elbe, à une soixantaine de kilomètres au nord de Leipzig, mais son existence ne sera documentée qu’à la fin du XIIe siècle. La ville se développe autour des activités de marché et d'étape dans la première moitié du XIIIe siècle, avant d’être choisie comme «résidence» par le duc Albert II de Saxe-Wittenberg († 1298) et de recevoir le statut de ville (Stadtrecht, 1293). Lorsque la Saxe passe aux Wettin (1423), Wittenberg conserve le statut de petite «résidence» mais, malgré l’essor des activités d’artisanat et de commerce (un pont de bois est lancé sur l’Elbe autour de 1450), elle ne dépasse pas les 2000 habitants à la fin du XVe siècle –nous sommes loin de Rome, ou encore de la résidence impériale de Vienne.
Les choses changent pourtant depuis 1485: l’ancien électorat de Saxe est alors divisé en deux principautés indépendantes, dont l’une, la Saxe «ernestine», conserve le titre électoral. L’électeur Frédéric le Sage († 1525) entreprend de faire de la petite cité des bords de l’Elbe une résidence moderne: reconstruction du château (et de sa chapelle!), construction d’un pont de pierre, et fondation d’une université (1502) dont l’objet sera de former les  cadres de la principauté, administrateurs, ecclésiastiques, etc. L’année suivante s’ouvre le chantier du Collegium Friedricianum, tandis que, en 1505, le prince appelle à la cour le peintre Lucas Cranach: sa maison, sur la place du marché (Marktplatz), abrite bientôt un atelier particulièrement actif et d’un immense renom.
Le facteur décisif est ici celui de l’université, avec des enseignements «modernes», caractéristiques de l’humanisme, comme ceux du grec et de l’hébreu, mais aussi un certain nombre de domaines scientifiques. Le moine augustin Martin Luther, qui a un temps séjourné à Wittenberg comme étudiant, y revient en 1511, appelé par le vicaire général de son ordre, Johann von Staupitz (±1465-1524). L’année suivante, il passe le doctorat en théologie, et enseigne dès lors régulièrement à l’université. C’est là que, le 31 octobre 1517, il aurait placardé sur la porte de la chapelle du château, qui sert aussi aux cérémonies de l’université, ses célébrissimes 95 thèses contre les Indulgences. Un an plus tard, Mélanchton est appelé à Wittenberg pour enseigner le grec, et sa leçon inaugurale trace le programme d’un enseignement modernisé pour les jeunes gens (De corrigenris adulescentiae studiis). Le renom de Wittenberg est bientôt européen, elle est la haute école de la nouvelle foi, attirant de partout les étudiants, et jusqu’en Transylvanie.
Le Nouveau Testament traduit par Luther, sept. 1522 (Univ. u. Landesbib. de Halle)
La fondation de l’Université s’accompagne de l’installation d’un prototypographe à Wittenberg, en la personne de Nicolaus Marschalk, lui-même enseignant mais quil ouvre une imprimerie dans sa propre habitation (1502). Puis viendront les professionnels à proprement parler, Wolfgang Stöckel, Johann Rhau-Grunenberg (lui aussi appelé par Staupitz…), Melchior Lotter, Hans Lufft, sans oublier Cranach et Döring. Wittenberg s’impose comme le premier pôle de la publicistique de la Réforme: une économie d’abord fondée sur les petites «pièces» et autres feuilles volantes (les Flugsschriften), mais pour laquelle la publication du Nouveau Testament allemand, en 1522, marque une pierre de touche. Edmann Weyrauch l’affirme à juste titre : sans la Réforme, pas d’économie moderne de la «librairie», et cette économie moderne est précisément inventée à Wittenberg. À l'approche de l'année jubilaire 2017, une excursion à Wittenberg, patrimoine mondial de l'humanité, et en Saxe passionnera les historiens modernistes de la culture, et ceux du livre.

jeudi 4 février 2016

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre


Lundi 8 février 2016

16h-18h
Luther et la nouvelle économie du livre (1)
par
Monsieur Frédéric Barbier,
directeur d'études

Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage, salle 114). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux.
 
Accès les plus proches (250 m à pied)
Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare.
Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64.


Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).