dimanche 20 mai 2012

Une histoire de catalogues (en prélude à une conférence de l'EPHE)

La bibliothèque de Wolfenbüttel dispose depuis un vingtaine d’années d’un usuel particulièrement intéressant pour les historiens: il s’agit du Lexicon zur Geschichte une Gegenwart der Herzog August Bibliothek Wolfenbüttel, autrement dit d’un petit dictionnaire présentant par ordre alphabétique une suite d’articles qui tracent un tableau d’ensemble de la bibliothèque, entre sa création dans la seconde moitié du XVIe (Bibliotheca Julia) et la fin du XXe siècle. L’ouvrage, diffusé en commission par la Librairie Harrassowitz de Wiesbaden, compte moins de 200 pages, imprimées sur deux colonnes et largement illustrées. Il a été offert à l’ancien directeur de la bibliothèque, et son refondateur, le Pr. Dr. Paul Raabe, à l’occasion de son départ à la retraite après vingt-quatre années passées à la tête de l’établissement.
Un dictionnaire de ce type ne remplace pas absolument une monographie de l’histoire de la bibliothèque, parce que les informations y sont dispersées selon la série des intitulés d’articles, les uns thématiques (par ex.: Blockbücher, qui donne une information rapide et une bibliographie sur les livrets xylographiques conservés à Wolfenbüttel), les autres consacrés à telle ou telle personnalité ou à tel ou tel exemplaire spectaculaire (dont le premier est le célébrissime Évangéliaire de Henri le Lion).
Mais l’ouvrage est particulièrement commode, et il fournit toutes les informations utiles au chercheur qui voudrait approfondir un certain sujet. Bien évidemment, il complété aujourd’hui par les sources disponibles sur Internet, soit sur le site de la Bibliothèque elle-même, soit dans la notice correspondante du Handbuch coordonné par Bernhard Fabian.
Arrêtons-nous un instant sur les premiers catalogues anciens de Wolfenbüttel. La bibliothèque a été créée par le duc Julius, lui-même collectionneur, qui monte sur le trône en 1568, qui fait passer la principauté du côté de la Réforme, qui en modernise en profondeur l’administration et qui fonde l’université de Helmstedt, un temps l’un des plus importantes de toute l’Allemagne. Les bibliothèques sécularisées rejoignent la bibliothèque du prince à Wolfenbüttel, tandis que les acquisitions se poursuivent, concernant parfois des bibliothèques entières (dont une partie de la bibliothèque de Johann Aurifaber, ancien famulus de Luther, en 1578).
Un bibliothécaire est nommé en 1571, et le règlement de la bibliothèque, daté du 5 avril 1572, précise expressément que la rédaction d’un catalogue sera l’une de ses charges principales. À la fin du XVIe siècle, la bibliothèque compte environ 4300 titres.
Le premier catalogue général n’est entrepris qu’en 1599, sur ordre du nouveau duc par le bibliothécaire Johann Adam Leonicerus. Le travail sera poursuivi pendant une quinzaine d’années, jusqu’en 1614. Il s’agit d’un catalogue systématique et topographique: les livres sont classés en trente-quatre catégories, qui suivent le dispositif des sept arts libéraux (trivium et quadrivium), et qui correspondent aussi à l’ordre matériel du rangement (ms. Cod. Guelf. A. Extr.).
L’énorme avantage de la systématique est de donner une information sur la qualité des textes (l’ordre des classes est un ordre selon une importance décroissante), ce qui n’est pas directement le cas avec un catalogue par noms d’auteurs. Par ailleurs, les notices de Wolfenbüttel précisent un certain nombre de particularités d’exemplaires.
Le second grand catalogue est commencé en 1627, et il sera poursuivi pratiquement un siècle durant: sous le duc August († 1666), la bibliothèque devient la première d’Europe (135 000 titres à la mort du duc), ce qui suppose bien évidemment de prendre des dispositions nouvelles pour sa gestion. Les fonds sont répartis en dix-neuf classes, auxquelles s’ajouteront une classe consacrée aux manuscrits (Libri manuscripti) et une pour les acquisitions (Libri varii). Chaque exemplaire présent dans la bibliothèque porte une cote au dos, qui indique la classe (par ex. Hist.) et le numéro d’ordre (112), éventuellement développé (112.1, 112.2, etc.), avec parfois la précision qu’il s’agit d’un grand format.
Ce catalogue, qui comptera pour finir six volumes, est complété par un premier index des noms d’auteurs, avant que Leibniz ne prenne en 1691 l’initiative de réaliser un catalogue alphabétique à titres courts. Ajoutons que le duc August lui-même assure lui-même une grande partie de la rédaction des notices (jusqu’à la page 3692!), et que le catalogue est disponible sur la célèbre «roue à livre» (Bücherrad), qui facilite à la fois la copie et la consultation de ces gros volumes in-folio (cliché ci-contre).
La thématique des catalogues de bibliothèques sera reprise dans les conférences de l'École pratique des hautes études des 21 mai et 4 juin 2012 (la seconde conférence se tiendra à la Bibliothèque Mazarine). 

Sur les anciens catalogues de Wolfenbüttel, voir: Maria von Katte, «Herzog August und die Kataloge der seiner Bibliothek», dans Wolfenbütteler Beiträge, 1, 1972, p. 168-199.

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